Appel à communications

Reposer aujourd’hui la question de la modernité — littéraire, artistique, sociale ou politique — revient à employer le mot au pluriel et à l’intérieur d’une chronologie resserrée. Ces choix impliquent que l’on ne se réduise pas au terme plurivoque, et souvent ambigu, de modernisme. « La modernité n’est pas un mouvement, comme dada ou l’imagisme. Si l’histoire littéraire décide de dénommer modernisme tel mouvement, anglais ou espagnol, aussitôt le terme prend un sens technique. Il se fixe. Il ne participe plus que fragmentairement de la modernité » (Meschonnic, p. 26).

L’objet de ce colloque sera d’envisager à nouveaux frais un phénomène multiforme et multilingue, dans toute l’aire culturelle des Amériques, en interaction permanente avec l’Europe mais aussi avec d’autres régions du monde. Sans prétendre à une quelconque exhaustivité ni même à une représentativité objective, on cherchera à dégager des lignes de force ou de partage, entre le moderne et l’antimoderne, notamment. « Au nom de la radicalité artistique et du concept de rupture », on « a laissé de côté ou minoré de nombreuses expressions individuelles ou collectives jugées hybrides, locales, tardives ou antimodernes » (Grenier, p. 16), et cela est également vrai dans d’autres domaines que celui de l’art. En littérature, en particulier, « il faut être ancien pour avoir quelque chance d’être moderne ou de décréter la modernité » (Casanova, p. 137). De là la recherche systématique d’ancêtres du moderne jusque dans les mondes dits « primitifs » ou indigènes. Souvent la « barbarie » paraît plus moderne que la « civilisation » (Sarmiento), du moment que l’on sait se garder de la tentation folkloriste. Un certain réalisme est parfois plus moderne qu’un antiréalisme ou un « réalisme magique » proclamés d’avant-garde. « Il y a aussi un académisme du moderne, produit par sa propre répétition » (Meschonnic, p. 82).

            Les différences indéniables autant que les points de convergence entre les Amériques anglophone, francophone, hispanophone et lusophone permettront sans doute de mieux comprendre les spécificités de chacune de ces régions et leurs propres contrastes internes dans la période considérée, entre 1910 et 1970 — c’est-à-dire après l’Art Nouveau et avant l’invention de « la condition post-moderne » (Lyotard). Certaines problématiques, comme celles des « échanges entre culture savante et culture populaire, centre et périphérie, recherche formelle et préoccupation sociale » (Gauthier, p. 33), devraient permettre d’ébaucher une cartographie aux dimensions continentales.

Les propositions de communication (300 mots en français, anglais espagnol ou portugais) sont à envoyer conjointement aux quatre organisateurs scientifiques accompagnées de quelques lignes biographiques pour le 1er mai 2015.

 

Bibliographie indicative

CASANOVA, Pascale, La république mondiale des lettres [1999], éd. rev. et corr., Paris, Seuil, « Points Essais », 2008.

GALLO, Rubén, Mexican Modernity. The Avant-Garde and the Technological Revolution, Cambridge, Massachusetts / Londres, The MIT Press, 2005.

GAUTHIER, Michel, « Abrégé d’histoire du modernisme », in Modernités plurielles : 1905-1970, Paris, Centre Pompidou, 2013, p. 32-34.

GRENIER, Catherine, « Le monde à l’envers ? », ibid., p. 14-31.

HART, Matthew, Nations of Nothing But Poetry: Modernism, Transnationalism, and Synthetic Vernacular Writing, Oxford University Press, 2013.

KOZLAREK, Oliver, dir., De la teoría crítica a una crítica plural de la modernidad. Buenos Aires, Editorial Biblos, 2007.

LYOTARD, Jean-François, La condition postmoderne : Rapport sur le savoir, Paris, Les Éditions de Minuit, 1979.

MESCHONNIC, Henri, Modernité modernité, Paris, Gallimard/Verdier, « Folio Essais », 1988.

Modernités plurielles : 1905-1970, sous la direction de Catherine Grenier, Paris, Centre Pompidou, 2013.

ROWE, John Carlos, Afterlives of Modernism: Liberalism, Transnationalism, and Political Critique, Hanover, N.H., Dartmouth College Press, 2011.

SANTOS, Boaventura de Sousa,  A gramática do tempo: Para uma nova cultura política, S. Paulo/Porto, Cortez Ed./Afrontamento, 2006.

SANTOS, Boaventura de Sousa,  « De lo posmoderno a lo poscolonial y más allá del uno y del otro », in Oliver Kozlare, dir., De la teoría crítica a una crítica plural de la modernidad, op.cit., p. 79-105.

SANTOS, Boaventura de Sousa,  Pela mão de Alice: O social e o político na pós-modernidade, 9ª edição revista e aumentada, Coimbra, Edições Almedina, 2013.

SARMIENTO, Domingo Faustino, Facundo: Civilización y barbarie [1845], Madrid, Cátedra, « Letras hispánicas », 2006.

YURKIEVICH, Saúl, La movediza modernidad, Madrid, Taurus, 1996.

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