Résumés des communications


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Fabiola Cristina ALVES (UNESP–Brasil)

Mário Pedrosa e “as modernidades” no contexto brasileiro

A noção de “modernidade” na arte não possui uma definição fixa, pois está sujeita a mudanças ao longo do tempo. A compreensão da discussão sobre a “modernidade” é relevante porque os usos deste termo revelam valores, discursos e práticas que se modificam de acordo com os contextos. Desta forma, a noção de “modernidade” também se transformou de acordo com o contexto brasileiro e os seus usos nos discursos desenvolvidos sobre a pintura moderna brasileira. A discussão da “modernidade” na arte está associada ao aguçamento da percepção do mundo fenomenal, à vida urbana e ao reencontro do homem com a natureza, todos interligados as mudanças ocorridas no campo artístico durante a primeira metade do século XX e no Brasil a antropofagia. No texto Visconti diante das modernas gerações (1950), o critico Mário Pedrosa sugere que os primeiros artistas modernos brasileiros, Candido Portinari, Di Cavalcanti e Tarsila do Amaral, deveriam ter aprendido a comunicabilidade entre o homem e a natureza com as pinturas de Eliseu Visconti e não apenas importar idéias da Europa, pois no Brasil já havia aprendizados para uma “modernidade” na obra deste artista. Partindo do referido texto de Pedrosa, esta pesquisa tem como objetivo desenvolver uma reflexão sobre “as modernidades” no contexto brasileiro.

Mário Pedrosa et “les modernités” dans le contexte brésilien

La notion de la « modernité » dans l’art n’a pas une définition unique mais évolue avec le temps. La compréhension de la discussion sur la « modernité » est importante dans la mesure où les usages de cette notion révèlent des valeurs, des discours et des pratiques qui varient en fonction du contexte. Ainsi, la notion de « modernité » s’est transformée dans le contexte brésilien, notamment lorsqu’elle a été employée dans le discours critique sur la peinture. La discussion sur la « modernité » dans l’art est alors associée à une plus grande acuité de la perception du monde phénoménal, à la vie urbaine et aux retrouvailles de l’homme avec la nature, en lien avec les mutations du monde artistique de la première moitié du XXe siècle et, au Brésil, avec l’« anthropophagie » culturelle. Dans le texte Visconti diante das modernas gerações (1950), le critique Mário Pedrosa suggère que les premiers artistes brésiliens modernes, Candido Portinari, Di Cavalcanti et Tarsila do Amaral, auraient dû apprendre la communicabilité entre l’homme et la nature grâce à la peinture d’Eliseu Visconti et ne pas se contenter d’importer des idées européennes, car l’art du Brésil avait déjà fait l’apprentissage d’une certaine modernité à travers les œuvres de cet artiste. À partir du texte du Pedrosa, notre recherche a pour objectif de développer une réflexion sur « les modernités » dans le contexte brésilien.

 

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Marta ANTON MARTI (Universitat Pompeu Fabra-Barcelona)

Repensar la modernidad desde el arte indígena de América: Joaquín Torres-García y Barnett Newman

Muchos han sido los artistas que a lo largo del siglo XX optaron por repensar la modernidad desde América, es decir, trataron de concebir una modernidad que estuviera basada en categorías propias ajustadas al contexto específico americano, y que no estuviese esencialmente derivada de la experiencia europea. De entre estos artistas americanos, más de uno creyó hallar en las artes indígenas de América la clave para desplegar una modernidad artística vernácula. Tal fue el caso del uruguayo Joaquín Torres-García y del estadounidense Barnett Newman, quienes se propusieron desarrollar una abstracción que fuera asumida como parte de una tradición propiamente americana y, a su vez, interpretada inequívocamente como moderna. Así, el arte precolombino y el arte indígena de la costa noroeste de América del Norte fueron reivindicados por Torres-García y Newman, respectivamente, como referentes indiscutibles del nuevo arte que debía ser producido en el continente. Las estrategias desarrolladas en tal revalorización, sin embargo, difirieron notablemente y, no sorprendentemente, también sus respectivas propuestas teóricas y su resultante obra plástica. Teniendo en cuenta tales particularidades, el presente trabajo se propone analizar la obra y el pensamiento de Joaquín Torres-García y de Barnett Newman, en relación a sus proyectos de desarrollar un arte moderno cimentado en la herencia de las artes indígenas de América. De esta manera, desde una aproximación comparativa, se señalarán las principales similitudes y diferencias en sus propuestas; y, en tanto ambos artistas llegaron a ser dos importantes referentes para las generaciones de artistas posteriores dentro y fuera del continente, se valorará además la diferente repercusión de cada uno de ellos en el posterior reconocimiento de las artes indígenas de América como paradigma decisivo de la modernidad artística americana.

Repenser la modernité depuis l’art indigène de l’Amérique : Joaquín Torres-García et Barnett Newman

Nombreux furent les artistes qui, tout au long du XXe siècle, choisirent de repenser la modernité depuis l’Amérique ; ils s’efforcèrent de concevoir une modernité fondée sur des catégories en adéquation avec le contexte américain, et non une modernité essentiellement dérivée de l’expérience européenne. Parmi ces artistes américains, plus d’un crut trouver dans les arts indigènes de l’Amérique la clé pour déployer cette modernité artistique vernaculaire. Tel fut le cas de l’Uruguayen Joaquín Torres-García et de l’Étatsunien Barnett Newman, lesquels se proposèrent de développer une abstraction qui fût à la fois authentiquement américaine et absolument moderne. Torres-García revendiqua l’art précolombien et Newman l’art indigène de la côte Nord-Ouest de l’Amérique du Nord comme les références indiscutables du nouvel art qui devait être produit sur le continent. Les stratégies développées en vue de cette revalorisation furent néanmoins sensiblement différentes, de même que les démarches théoriques et l’œuvre plastique qui en résulta. Prenant en compte ces particularités, le présent travail se propose d’analyser l’œuvre et la pensée de Joaquín Torres-García et de Barnett Newman en relation à leur dessein de développer un art moderne fondé sur l’héritage des arts indigènes d’Amérique. Dans une perspective comparative, je signalerai les principales similitudes et différences entre leurs démarches respectives. L’un et l’autre artiste ayant servi de modèle aux générations suivantes, tant sur le continent américain qu’en dehors de celui-ci, je mettrai en valeur la répercussion différente de chacun d’eux dans la reconnaissance postérieure des arts indigènes comme paradigme décisif de la modernité artistique américaine.

 

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Anna AUBLET (Université Paris Ouest Nanterre La Défense)

« El humus necesario en una tierra nueva »: William Carlos Williams’ extra-vagrancies in the New World

Alors que William Carlos Williams part, tel Achab, à la chasse au mot, « the word », sur lequel fonder une nouvelle écriture américaine, les marins de son Grand Roman Américain (1923) s’exclament “Nuevo Mundo!” en apercevant les côtes du continent. Cette épiphanie vient bousculer l’approche et le contact à l’Histoire et aux histoires en laissant s’exprimer les sens. Puis, comme il le fera aussi dans Au Grain d’Amérique (1925), le poète vient relater les récits de figures historiques telles que Brigham Young, Pancho Villa ou Aaron Burr et questionner une lecture monolithique de l’historiographie américaine. Ces figures de renégats ancrent le roman dans son contexte américain, et rappellent que c’est aussi dans l’agôn que l’Amérique s’est construite. Dans son Autobiographie (1951), Williams qualifiera le langage de cette nouvelle terre étrangère, qui est pourtant la sienne, de « barbare » jouant ainsi sur l’acception première et l’étymologie du terme. Il remet en question le statut ontologique de l’étranger qu’il est et qu’il n’est pas. La quête permanente d’un ici et maintenant et d’une langue purement autochtone qui traverse l’œuvre de Williams, passerait d’abord par la reconquête poétique de l’histoire et des mythes qui composent le continent. Dans ces deux grands romans, le poète effectue un long pèlerinage vers la genèse des Amériques et ne cesse de lier le destin des Etats-Unis à celui de l’Amérique du Sud, celle de ses origines, de sa mère portoricaine. De plus, l’excursion mène aussi à un métissage linguistique : les expressions ou mots espagnols dont l’emploi semble parfois artificiel ou arbitraire, viennent encourager le décryptage du sens. Cet encodage sémantique semble en apparence contraire à la volonté de démocratisation de la poésie qui tenait à cœur au poète. Pourtant, nous tenterons de montrer comment Carlos relance souvent le jeu de la quête herméneutique en questionnant Bill, l’Américain intégré. Ce sont ces deux identités, Bill dont la patrie est son New Jersey natal et Carlos dont la matrie reste à Porto Rico, que le poète tente poétiquement de réconcilier.

 

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Kamila BENAYADA (Université d’Orléans)

Modernism and Modernity: Content and Form in Stuart Davis’s Cold War Art

Stuart Davis est l’un des peintres américains à avoir été sélectionné pour l’Armorie Show, exposition dédiée aux ruptures avant-gardistes européennes. Au cours des années qui suivent, tout en travaillant à la revue Masses, il se consacre aux recherches formelles qui devaient lui permettre de devenir “a modern artist”. Mais face aux ruptures sociales de la Grande Crise, il devient l’un des principaux acteurs du Artists’ Congress, du Artists’ Union et de la revue Art Front. La figuration réapparait dans son travail, pour disparaitre dans les années 40, Davis ayant déclaré que l’artiste devait retourner dans sa tour d’ivoire. Cependant, son œuvre reste complexe: à la fois moderniste et figurative, parfois à l’avant-garde du Pop Art, elle est pourtant perçue comme antimoderne, intégrant des formes qui étaient considérées comme étant du domaine du kitsch. Je propose d’analyser la série de toiles autour des emballages de bougies d’allumage de la marque CHAMPION, pour voir comment Davis approfondit un travail déjà entamé dans les années 1920 où le mélange art savant/culture populaire s’intègre dans une démarche où la recherche formelle accompagne l’engagement social d’un artiste qui, à mon sens, n’est jamais rentré dans sa tour d’ivoire. C’est peut-être précisément en cela, dans cette complexité qui mêle travail formel, filiation aux modernismes européens, et humanisme et défense des principes démocratiques, complexité qui l’a parfois rejeté à la périphérie du monde de l’art, que Davis est moderne.

 

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Alice CARTIER (Université Panthéon-Assas / Université Laval-Québec)

Modernité dans l’Amérique francophone : enjeux diplomatiques et culturels dans la relation bilatérale France – Québec autour de l’Exposition universelle de 1967

Avec l’aide de ses émissaires, depuis la fondation de la monarchie jusqu’à la fin du XIXe siècle, la France joue un rôle diplomatique des plus importants. « Clémenceau insistait pour que l’opinion des grandes puissances valût au premier chef »[1], les politiques culturelles devenant de véritables enjeux diplomatiques où la culture devient une « arme ». Des prémices de ces enjeux pour la France dans Gesta Dei per Francos aux échanges culturels particuliers France-Québec de 1910 à 1960, nous traiterons de la modernité des enjeux diplomatiques et culturels pour la France dans les années 1960 avec le binôme de Gaulle-Malraux, mais aussi pour le Québec, la francophonie et la construction de l’Europe. En plein dans les Trente Glorieuses et en période de Guerre froide, les années 1960 sont un tournant sur le plan international dans les mouvements politico-socio-culturels influant et restructurant les bases juridiques. Pour le Canada, c’est la période de « crise majeure de son histoire »[2] avec la Révolution tranquille[3] et une remise en cause de ses rapports/accords diplomatiques avec la France qui existaient depuis Napoléon III, avec « l’apparition ouverte d’un rapport triangulaire entre Paris, Ottawa et Québec »[4]. Le Québec s’éveille[5] et s’affirme en « rêvant d’indépendance »[6]. Il s’agira de comprendre, entre moderne et « antimoderne », le rapport de force ou de partage dans l’Amérique francophone, les enjeux culturels et diplomatiques France-Québec autour de l’Exposition universelle de 1967, où relations internationales, construction de l’Europe et de la francophonie structurent et engendrent de nouvelles règles de droit, et des redéfinitions pour la France, le Québec et l’Europe dans les années 1960.

 

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Elaine CHOU (Université Paris–Sorbonne nouvelle)

My Life as a Poem: Natalie Clifford Barney’s Gestural Modernism

Natalie Clifford Barney (1876 –1972), the American expatriate who moved to Paris at age 21, was a prolific poet, novelist, epigrammatist and playwright. Her artistic capital, however, is often overshadowed by her cultural capital as an outspoken lesbian, wealthy heiress and salon hostess. Today we understand that “High Modernism” was a discourse carefully shaped by a select few to privilege masculine, impersonalized aesthetics over feminine, sentimental or traditional forms. Barney’s exclusion from “High Modernism” was no mere accident. Her work was deemed “anti-modern” because it appeared closer to fin-de-siècle decadence than the experimental “avant garde.” By writing her off as just another marginalized woman writer, we ignore the fact that she wasn’t marginalized at all. Her influence was wide, spreading from Colette to Ezra Pound. In order to understand what modernity meant to Barney, I argue that her life and work must be read as “gestural modernism,” defined as “all those events that live beyond the artifacts [i.e. texts] but that nevertheless play an indispensable role.”[7] Through her gestural self-fashioning, she enacted a subversive and hybrid counter-culture: realizing that language shapes identity, her bilingualism allowed her to move between two selves; she cross-dressed both privately and publicly and documented it; she conceived of a modern-day Lesbos with her unofficial Académie Française and Greek “Temple of Friendship”; she openly rebuffed monogamy in favor of polyamory. Hybridity is also found in her work: her bilingual “Poems & Poèmes” is an experiment in translingual poetics and her autobiographical One Who is Legion features a hermaphroditic narrator.  Barney inscribed “marks” not only on paper but in time and space as she embraced her body for its aesthetic performativity; its ability to write corporeal narrative. Indeed, in her own words: “If I had one ambition it was to make my life itself into a poem.”[8]

 

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Aurore CLAVIER (Université Paris 8)

« New contours suggested by old words » : la modernité américaine au tamis de l’archéologie littéraire

La modernité du premier XXe siècle s’est tout autant définie par ses amnésies volontaires quant au passé immédiat, que par sa propension aux excavations inédites, à l’affleurement des survivances, à l’écriture rétrospective. Une telle oscillation entre présent oublieux et passé au tracé instable fut sans doute plus marquée encore aux États-Unis, travaillés qu’ils furent par une jeune histoire en mal de profondeur et une « préhistoire » ensevelie par l’idéologie conquérante de la destinée manifeste. Ce récit national dont la date de naissance même s’est bien souvent déplacée sur la ligne du temps, n’a cessé d’occuper, au-delà des seuls historiens, les acteurs culturels soucieux de (ré)inventer, à rebours des mythes fondateurs de la gentility, une nation qu’ils estimaient tour à tour immature ou sclérosée. De naissances en renaissances, d’inventions en redécouvertes, l’Amérique moderne fut inlassablement passée au crible de sa propre histoire, comme pour faire bouger les lignes de l’ancien afin de mieux réviser les contours du contemporain. Le projet de cette étude serait donc d’examiner l’entreprise historiographique, si ce n’est archéologique, menée par les critiques culturels et plus encore les auteurs américains (W. C. Williams, W. Stevens, E. Pound), des années 1910 à l’entre deux-guerres, afin d’appréhender les motifs autant que les outils qu’elle a permis de façonner. Quels antécédents la modernité s’est-elle ainsi choisis ? Quelles périodes a-t-elle voulu exhumer pour mieux s’y enraciner (non sans imposer à son tour, peut-être, les angles morts d’un certain révisionnisme) ? Comment ces relectures et ces excavations se sont-elles nourries de la pluralité géographique du continent, en ouvrant son obsédante « frontière » à des horizons longtemps restés ignorés – Amérique centrale, Caraïbes, voire « nations [amérindiennes] enfouies » (W. Frank) en son sein même ? Et surtout, en quoi la modernité a-t-elle redéfini les modes mêmes de réécriture de son passé, soumettant le récit unitaire, le recouvrement canonique, la « chimère de l’origine » (G. Agamben) à la distanciation critique, à l’hétérogénéité documentaire, au ventriloquisme poétique ?

 

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Elsa CROUSIER (Université Lyon 2–Lumière)

La naissance de l’art moderne en Colombie : entre internationalisme et localisme

Selon P. Bourdieu, la naissance de l’art moderne se situerait dans les années 1870-1880[9]. Une précision est néanmoins indispensable : comme le souligne H. Meschonnic « La modernité. Inutile d’ajouter : occidentale »[10]. « La modernité a plusieurs commencements »[11] et plusieurs lieux, et ce n’est qu’à partir des années 1920 que l’on peut parler d’art moderne en Amérique latine. La Colombie est, de ce point de vue, un cas exemplaire : l’art moderne y apparaît ou y est reçu tardivement, par rapport aux « centres » européens, mais également à d’autres pays d’Amérique latine (Argentine, Venezuela…). Artistes et public colombiens ont en effet moins de contacts avec l’Europe et les Etats-Unis, et privilégient jusqu’à la fin des années 1940 une expression artistique traditionnelle, loin des canons esthétiques internationaux et hors des circuits du marché mondial de l’art[12]. Dans ce lent processus d’ouverture, la critique d’art Marta Traba joue un rôle décisif : non seulement elle forme un large public à l’esthétique moderne, mais elle participe à la construction d’un art moderne proprement colombien. Son activité critique, à la croisée des débats entre internationalisme et localisme, centre et périphérie, se divise en deux périodes : de 1954 à 1960, elle souligne l’importance vitale de la modernité et des influences européennes et nord-américaines ; et procède à une sélection drastique, parfois polémique, des œuvres qu’elle considère comme modernes, excluant celles qui lui semblent antimodernes ou folkloriques. Les années 1960 marquent un tournant : Marta Traba, consciente du risque d’internationalisation de l’art latino-américain, prône désormais un art moderne, mais à même de valoriser l’identité du sous-continent. Nous proposons donc d’éclairer ce processus de définition et de construction de l’art moderne colombien, et de montrer en quoi le cas de la Colombie est révélateur.

 

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Alberto DA SILVA (Université Paris–Sorbonne)

Cinéma et modernité dans la représentation de la ville de São Paulo

Pendant les années 1950 et 1960, le Brésil entre dans un processus de modernisation dont la construction de Brasilia est l’un des symboles majeurs. Dans ce contexte d’urbanisation et d’industrialisation croissantes, c’est dans la ville de São Paulo, déjà considérée comme moderne par le mouvement artistique moderniste des années 1920, que les grandes entreprises internationales s’installent. Dans cette communication, nous proposons d’analyser le film São Paulo, Sociedade Anônima (1965) de Sérgio Person, dans lequel le réalisateur montre la modernisation de la ville, tout en tenant un discours cinématographique critique, s’inscrivant dans une vision partagée par certains intellectuels « romantiques révolutionnaires » (Michel Löwy ; Robert Sayre, 1992).

 

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Kristin M. DISTEL (Ohio University) 

“The laughter that shattered”: Modernist Laughter and Social Detachment in Jean Rhys’s Voyage in the Dark

Laughter is a hallmark of modernist literature, especially as it exposes instances of madness and marginalization. However, many critical considerations of modernist laughter focus on satire or laughter as a violation of social mores.[13] Scholarship has also focused on the way in which laughter reveals a character’s feelings of ennui.[14] Instead, I argue that in Jean Rhys’s Voyage in the Dark (1934), laughter both precipitates and signifies Anna’s withdrawal from the world around her. In the first half of the book, Anna’s laughter shows an ability to respond to the crises of relationships, assimilation, and economics in which she finds herself. In contrast, the cessation of her laughter reveals her eventual detachment from her surroundings and a retreat into a modernist, interiorized space. In analyzing this change in Anna’s laughter and sense of engagement, I consider Mikhail Bakhtin’s study of the intersection between laughter and identity. That is, I argue that when Anna laughs less frequently, she no longer belongs to the world around her. Holly Laird suggests that in modernist literature, “Far from being whimsically spontaneous, laughter was learned—acquired not only through long practice but…through over-seriousness and disillusionment”. Based on Laird’s assessment, Anna’s feelings about laughter are paradigmatic of modernist literature on a broader scale.[15] Her laughter ultimately becomes strange and culturally crude; Anna’s status as a colonial subject (“a real West Indian,” as she calls herself, living in England) exacerbates her cultural otherness.

 

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Victoria FAMIN (Université Paris-Sorbonne)

La revendication des origines africaines, amérindiennes et créoles comme une forme de modernité : une lecture de la poésie de Langston Hughes, Nicolás Guillén et Léon-Gontran Damas

La Modernité, entendue comme une quête du progrès et donc comme une recherche constante de la nouveauté qui serait le moyen de l’atteindre, conçoit souvent le passé et certains aspects de l’histoire des peuples comme un fardeau dont il faudrait se débarrasser. Pourtant, la condition de moderne suppose, paradoxalement, la capacité de se concevoir comme antimoderne (Compagnon, 2005), en résistant aux lois de la Modernité, pour pouvoir ainsi échapper à tout risque de figement propre à une classification. Dans les Amériques, un mouvement poétique et politique surgit à partir des années 1920 et s’installe dans le contexte américain de la Modernité comme un geste antimoderne, car il va à l’encontre des principes d’oubli du passé et de reniement des aspects identitaires considérés jusqu’alors comme un frein pour le progrès. Il s’agit de poètes qui, conscients de leur identité métisse et de leurs racines africaines, amérindiennes et finalement créoles, décident de mettre le langage poétique au service de la revendication de cette réalité identitaire américaine. Ce geste poétique est d’autant plus fort qu’il n’hésite pas à revenir sur des expériences douloureuses des populations des Amériques, comme la traite négrière et l’esclavage. En ce sens il s’agit également d’une démarche politique engagée qui s’écarte des principes de modernité littéraire : le message social véhiculé pour la reconnaissance des racines africaines et amérindiennes des peuples  des Amériques se combine avec une véritable recherche poétique.  Pour étudier ce phénomène, nous proposerons une lecture comparée des poèmes de trois auteurs : Langston Hugues, figure de proue du mouvement qui pose les bases pour la réflexion sur la question afro-américaine,  Nicolás Guillén, poète du négrisme cubain, et Léon-Gontran Damas, co-fondateur avec Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor de la Négritude.

 

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Jorge GONÇALVES DA COSTA (Université Paris-Sorbonne / Universidade Nova de Lisboa)

O Modernismo na Pintura Brasileira (1920-1940): entre a proibição do imaginário heroico português e a urgência de « Brasilianizar o Brasil », o Moderno como instrumento de reescritura histórica

De 11 a 18 de Fevereiro de 1922 ocorreu no Teatro Municipal de São Paulo a Semana da Arte Moderna. Acontecimento fundamental na afirmação cultural do Modernismo Brasileiro, este evento preconizou no campo da pintura brasileira uma série de rupturas chave, que não se restringiriam às inovações e experimentações técnico-formais das Vanguardas históricas europeias. As obras de Anita Malfatti (1889-1964) e Di Cavalcanti (1897-1976) expostas nesta montra prefiguravam a novidade de um imaginário nacional novo, que na sua pesquisa temática anunciavam uma urgência identitária de «Brasilianizar o Brasil», máxima proclamada posteriormente em 1928 por Oswald de Andrade (1890-1954) no seu polémico Manifesto Antropófago.Esta demanda identitária procurava estabelecer um novo imaginário nacional, depurado de influências históricas externas, e mais próximo da realidade, do quotidiano, e das tradições e costumes populares brasileiros. Deste modo, neste esquema de intenções, aclamar-se-ia o purismo nacionalista de uma pretensa cultura popular, em detrimento de uma herança cultural portuguesa (cultura erudita e académica) representativa dos erros do passado e de um patriotismo corrompido, que importava apagar do imaginário coletivo. Esta desautorização de um certo imaginário heroico português rompia com a tradição figurativa da pintura histórica oitocentista brasileira, na qual heróis considerados por ambas as nações pontuavam a narração de grandes datas da história brasileira (ex.: A descoberta do Brasil por Pedro Álvares Cabral; A primeira missa em território brasileiro; A proclamação da Independência do Brasil; etc.). Em consequência a pintura modernista brasileira substituiria os heróis históricos do passado colonial português pela ideia de um tropicalismo multiculturalista, próprio à definição de povo brasileiro, verdadeiro e único herói da pintura brasileira do século XX.Por conseguinte importará compreender como o Moderno foi usado pela pintura brasileira como instrumento de reescritura histórica, com o objetivo de proclamar a ideia de um certo autodeterminismo cultural e histórico do povo brasileiro.  

Le Modernisme dans la Peinture Brésilienne (1920-1940) : Entre la rupture avec de l’imaginaire héroïque portugais et l’urgence de « Brasilianizar o Brasil », le Moderne comme instrument de réécriture historique.

Du 11 au 18 février de 1922 eut lieu au Théâtre Municipal de São Paulo la Semaine d’Art Moderne. Évènement essentiel dans l’affirmation culturelle du Modernisme brésilien, cette date a signifié un ensemble de ruptures clés dans le champ de la peinture, lesquelles ne se sont pas restreintes aux innovations et expérimentations technico-formelles des avant-gardes européennes. Les œuvres d’Anita Malfatti (1889-1964) et de Di Calvacanti (1897-1976) exposées à cette occasion affichent la nouveauté d’un imaginaire national qui, dans sa recherche thématique, préfigure l’urgence identitaire de « Brasilianizar o Brasil », selon la formule énoncée en 1928 par Oswald de Andrade (1890-1954) dans son polémique Manifesto Antropófago. Cette revendication identitaire aspirait à établir un nouvel imaginaire national, épuré d’influences historiques externes, plus proche de la réalité, du quotidien, et des traditions et coutumes populaires brésiliennes. Dans ce programme d’intentions, était exaltée l’essence nationale d’une prétendue culture populaire, au détriment d’un héritage culturel portugais (érudit et académique) représentatif des erreurs du passé et d’un patriotisme corrompu qu’il importait effacer. Cette défense d’un certain imaginaire héroïque portugais rompait avec la tradition figurative de la peinture d’histoire brésilienne du XIXe, dans laquelle les héros considérés par les deux nations ponctuaient la narration des grandes dates de l’histoire brésilienne — la découverte du Brésil par Pedro Álvares Cabral, la première messe, la proclamation de l’Indépendance, etc. En fait, la peinture moderniste brésilienne substituait aux héros historiques du passé colonial portugais l’idée d’un tropicalisme multiculturaliste, propre à la définition du peuple brésilien, véritable et unique héros de la peinture du pays au XXe siècle. Par conséquent, il importera de comprendre comment le Moderne étais utilisé par la peinture brésilienne en tant qu’instrument de réécriture historique, avec pour objectif de proclamer l’idée d’un certain autodéterminisme culturel et historique du peuple brésilien.

 

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Marie-Hélène GRIVEL (Université de Versailles–Saint Quentin)

La modernité au Canada français et l’émergence d’un projet social de culture

La notion de modernité peut être définie comme « un mode de civilisation caractéristique, qui s’oppose au mode de la tradition, c’est-à-dire à toutes les autres cultures antérieures ou traditionnelles »[16]. Toutefois, nous pouvons nous interroger sur la fixation/pérennisation de la dite modernité. À quel moment une société est-elle moderne ?  Marquée par le premier conflit mondial, la société canadienne-française de l’entre-deux-guerres entre dans la modernité qui influence l’ensemble des champs sociaux, politiques et culturels. Cette mutation se caractérise par le développement de l’urbanisation, l’augmentation du taux de scolarisation, et l’intervention croissante du gouvernement provincial dans les sphères éducatives et culturelles. Les années 1920-1939 s’inscrivent résolument dans l’ère du changement. L’avènement de l’homme moderne, bénéficiant des études jusqu’au secondaire, s’informant via les mass-médias, et s’intéressant de plus en plus à lui-même, concourt à développer de nouveaux modes d’écriture. Si les lecteurs sont toujours friands de romans historiques, ils souhaitent dorénavant que les auteurs écrivent pour eux, leur parlent d’eux, en un mot, qu’ils les considèrent. Dans le champ éditorial, cela se manifeste par la relance de la querelle entre « Tradition » et « Modernité » qui progressivement débouche sur la notion d’identité[17]. C’est ainsi qu’émerge le concept de « canadianisme intégral », affirmant la spécificité culturelle de la Belle Province : sa francisation scolaire et son américanisme de fait. L’introduction de la langue dialectale, fait du détachement au modèle français, provoque la réaction des pontes de la critique parisienne.

 

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Yodenis GUIROLA (Universidad de Barcelona)

José Vasconcelos y John Dewey : « modernidad » y síntesis de la razón ética y del juicio estético

Las obras del mexicano José Vasconcelos y del estadounidense John Dewey han tenido respectivamente un fuerte impacto en el desarrollo tanto artístico, filosófico, educativo y sociopolítico de sus correspondientes modernidades americanas. En cada uno de ellos la idea de síntesis de la razón ética y del juicio estético configura el diseño de una teleología emancipatoria en la cual necesariamente se redefine tanto la idea de «modernidad» como la identificación del sujeto emancipador de tales modernidades. Muy a pesar de las manifiestas diferencias, existen, sin embargo, importantes sintonías que han pasado desapercibidas para la mayor parte de los estudios sobre ambos pensadores. El presente trabajo, por tanto, partiendo de tales diferencias, tiene como objetivo determinar (a) cuáles son las sintonías más significativas a tener en cuenta en ambos casos con relación a la idea de síntesis de la razón ética y del juicio estético, (b) el lugar que tal idea de síntesis ocupa, como contraste, en la concepción emancipatoria de José Vasconcelos y de John Dewey, así como (c) la implicación conceptual y práctica (en términos estético-educativos y sociopolíticos) de ambos referentes para la redefinición de la noción de «modernidad» en América Latina y en EE.UU., respectivamente. Tal análisis gana especial relevancia hoy, tanto para repensar contrastadamente dos perspectivas diferentes de «modernidad» que marcaron en múltiples ámbitos el siglo XX americano, como para recontextualizar el valor de ambos pensamientos en el replanteo de alternativas emancipatorias contemporáneas en las cuales la noción de síntesis de la razón ética y del juicio estético resulta particularmente operativa y continúa teniendo total validez teórica y práctica. Volver sobre los correspondientes argumentos de Vasconcelos y de Dewey, contextualizados en sus respectivas teleologías, permite además reactualizar la crítica para lo que pudiera ser asumido hoy como “modernidades multiculturales” coexistentes en América.

José Vasconcelos y John Dewey : « modernité » et synthèse de la raison éthique et du jugement esthétique

Les œuvres du Mexicain José Vasconcelos et de l’Étatsunien John Dewey ont eu, chacune de leur côté, un fort impact sur le développement artistique, philosophique, éducatif et sociopolitique de leurs modernités américaines respectives. Chez chacun de ces auteurs, l’idée de synthèse de la raison éthique et du jugement esthétique configure une téléologie émancipatrice dans laquelle se trouvent nécessairement redéfinies tant l’idée de « modernité » que l’identification du sujet émancipateur à de telles modernités. Malgré les différences manifestes qui les séparent, il existe d’importantes convergences qui sont passées inaperçues dans la majorité des études consacrées à l’un ou l’autre de ces auteurs. En conséquence, le présent travail a pour objectif de déterminer (a) quelles sont les convergences les plus significatives à prendre en compte entre ces deux auteurs quant l’idée de synthèsede la raison éthique et du jugement esthétique ; (b) le lieu que cette idée de synthèseoccupe, de façon contrastée, dans la conception émancipatrice de José Vasconcelos y de John Dewey ; (c) l’implication conceptuelle et pratique (en terme éthico-éducatifs et sociopolitiques) de chacun de ces auteurs dans la redéfinition de la notion de « modernité » en Amérique latine et aux États-Unis. Cette analyse nous semble particulièrement pertinente aujourd’hui, tant pour repenser ces deux perspectives de « modernité » qui furent marquantes dans de multiples domaines de l’Amérique du XXe siècle, que pour recontextualiser la valeur de ces deux pensées dans la reformulation d’alternatives émancipatrices contemporaines dans lesquelles la notion de synthèsede la raison éthique et du jugement esthétique est particulièrement féconde et conserve toute sa validité théorique et pratique. Revenir sur les arguments de Vasconcelos et de Dewey, dans le contexte de leurs téléologies respectives, permet en outre de réactualiser la critique de ce qui pourrait être considéré comme des « modernités multiculturelles » qui coexistent aujourd’hui en Amérique.

 

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François HUGONNIER (Université d’Angers)

Reassessing modernism through Jerome Rothenberg’s magnifying glass

Throughout his carrier as a poet and anthologist, avant-garde activist Jerome Rothenberg has kept broadening our view of the modern. He has dug out what Meschonnic calls the “ancestors of the modern” in order to highlight the universal impulse of groundbreaking pieces, regardless of their medium or spatio-temporal coordinates. In his 1969 anthology Technicians of the Sacred, Jerome Rothenberg boldly asserted that “Primitive means complex”. As a late modernist poet (and an heir of Stein, Pound, Williams; as well as to the “Revolution of the word” and Dada), he has experienced and promoted poetry’s socio-political relevance in a post-war context. Yet, more than moments in history, the ambiguous terms modernism and modernity stand for an approach to art and writing that needs reassessing. Therefore, this talk aims at revisiting not only 1914-1945 avant-garde American poetry, but also earlier and later outputs (including magic, ritual, oral and outsider poetry). Embracing folklore and turning away from epic poetry, Rothenberg “make[s] it new” by unveiling the predecessors of modernism, as well as the lesser known acts of its canonized yet wobbly time-frame. First, we will explore some of the sources which preceded the avant-garde’s surfacing at the beginning of the 20th century. Then, the issue of poetry and socio-political engagement (and especially “the art of manifesto”) will be addressed, spanning the 1910-1970 era. Finally, we will show how Rothenberg’s anthologies, in line with Duncan’s “Symposium of the whole”, help map out the Pan-American and global inscriptions of modernity on a wider historical and geographical scope.

 

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Smaro KAMBOURELI (University of Toronto, Canada)

Canadian Modernity as Malady: Indigenous and Diasporic Contexts

Under what conditions would an Inuk exchange a home-cooked pork chop dinner for a photograph of his wedding taken by a Qallunaaq (non-Inuit, white)? How did the People of the Deer become the People of the Ski-doo? What does it mean to treat money like caribou? These questions, along with many others, are raised by Art and Cold Cash against a topography of ambivalent actions that produce and are the product of an interplay of differences that bring into relief the complicity that marks the advent of modernity in the Canadian Arctic. Ski-doos materializing out of the gaping mouth of a Dash-8 in the Canadian North may convey the marvel of modernity, but they also speak of the technology of violence that accompanies the vexing twins of colonialism and capitalism; they draw scare quotes around the “progress” they herald. I propose to employ Art and Cold Cash, a collaborative art project by Inuit and Canadian artists from the south that explores the shift from the local barter economy in Baker Lake into an exchange economy in the late 1960s, as my point of departure to address the instrumentalist impact of Canadian modernity on Indigenous and diasporic communities, specifically as it is manifested in their art and literature. If modernity in Canada has had such end results as the killing of the Inuit’s sled dogs and thus their dislocation from traditional hunting camps to hamlets like Pangnirtung, it also had a decisive impact in gradually turning Canada, a settler culture, into what is now a state comprising of diverse diasporas. Diaspora both coincides with Canadian modernity and is circumscribed by it; part and parcel of the various technologies that propelled the Canadian state toward modernity, it has also introduced different (and competing) modernities and disjunctive temporalities (as illustrated in the work of such authors as Thomas Wharton, Denise Chong and Roy Kiyooka). In identifying the ambivalences that characterize Canadian modernity as manifestations of a kind of malady I intend to “unthink” modernity as an emancipatory project but also to echo the Canadian philosopher Charles Taylor’s book, The Malaise of Modernity.

 

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Christine LORRE-JOHNSTON (Université de la Sorbonne nouvelle) 

Between Cultures: Victorianism, Modernism and Postmodernism in Alice Munro’s Writings

Robert Kroetsch’s famous statement that “Canadian culture evolved directly from Victorian into Postmodern” (Boundary 2, 1974), bypassing modernism, has been challenged since it was first published, notably by scholars working on the recent EMIC (Editing Modernism in Canada) project. This movement of reassessment is part of a broader urge to reconsider modernism by taking into account its many avatars and thus decentring it, or by qualifying it, for instance through notions such as “late modernism” or “parallel modernisms.” Bearing in mind Kroetsch’s assertion, and as part of the reflection that the reassessment of modernism has triggered, this paper will aim to examine Alice Munro’s relation to modernity and modernism, be it in the sense of canonical modernist writers, or in the forms taken by the Canadian version of it. This can only be done by simultaneously examining, by contrast, the place of Victorian culture and of postmodernism in her work, and identifying the links between these various trends. To analyse the development of her writing in its cultural context, this study will focus on two collections of short stories. Dance of the Happy Shades, Munro’s first published collection of 1968, gathers stories written between 1956 and 1968, and reveals the emerging writer’s skills. Some of the available drafts of the stories show her moving away from the realist tradition towards techniques that characterize modernist writers, to do with perception of the surrounding world and awareness of its instability. By contrast, Who Do You Think You Are? her fourth book and a collection of linked stories published in 1978, shows Munro examining her links to literary ancestors and culture in a metafictional way. The book, arguably her most postmodern one, offers a more distant, ironic reflection on the place of Canadian culture in relation to British and American cultures as the persona of the narrator is seen gradually finding her own voice, over a period that spans the 1930s of her childhood and the 1970s of her middle age. Having implicitly (by shaping her writing style) or explicitly (through metafictional comments) addressed the meaning of her cultural heritage – including that of modernity – in the early part of her career, Munro in her subsequent stories is then in a position to start fully develop her own voice to address the broader questions related to perception, emotions and memory that fascinate her.

 

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Céline MANSANTI (Université de Picardie–Jules Verne)

Les revues états-uniennes « mainstream » de l’entre-deux-guerres : l’envers du modernisme ?

En 1930, Pound définit la petite revue comme l’envers de la revue mainstream. Pour lui, les revues mainstream « laissent intact le besoin d’une communication intellectuelle qui ne soit pas régie par la question de savoir si une idée ou une tendance donnée en art va “rapporter de la pub” parmi les principaux fabricants de corsets. » (« Small Magazines », The English Journal, novembre 1930). Si les revues mainstream ou semi-mainstream (Harper’s, Scribner’s, The Atlantic Monthly, Life, The New Yorker, The Saturday Evening Post, Vanity Fair, The American Mercury, Esquire, etc) croulent souvent sous le poids des publicités qui les financent en grande partie, il s’avère cependant que Pound faisait fausse route en refusant de voir dans ces media de diffusion massive des  lieux de communication intellectuelle. Comme le suggère Karen Leick (Gertrude Stein and the Making of an American Celebrity, 2009), le modernisme ne s’est pas diffusé seulement via les petites revues, loin de là. Si Gertrude Stein, Virginia Woolf et James Joyce deviennent producteurs de best-sellers aux Etats-Unis en 1933-1934, c’est parce que leurs noms ont été largement diffusés, leurs écrits commentés, et parfois loués, dans la presse populaire. L’examen de la présence du modernisme dans ces revues à fort tirage ouvre un large champ de recherches, qui permet de repenser le « great divide » autrefois mis en avant par Andreas Huyssen entre « high » et « low culture » (After the Great Divide: Modernism, Mass Culture, Postmodernism, 1986). De nombreuses questions se posent, parmi lesquelles : quel modernisme est véhiculé par ces revues ? De quelle manière ? Quels sont les points de jonction entre petites revues et revues plus populaires ? Pour tenter d’y apporter quelques réponses, je m’intéresserai plus particulièrement au premier Life (1883-1936), revue humoristique très populaire qui s’illustre en particulier – exemple parmi tant d’autres –  par l’étonnante publication en avril 1929 d’une caricature de Gardner Rea représentant un groupe d’expatriés américains attablés dans un café parisien, entourés d’objets aussi confidentiels, du moins en apparence, que la revue transition, ou le Work in Progress de Joyce –  Finnegans Wake, titre définitif du Work in Progress, ne paraîtra que dix ans plus tard.

 

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William MOHR (California State University, Long Beach, Ca, USA)

The Prescient Margins of West Coast Anthologies: Publishers as the Plastic Agentof Hyper-Modernity

In A Common Strangeness, Jacob Edmonds embeds his analysis of the social evolution of poetry in the “bewildering complexity of the present moment”. Attributing this degree of turbulence to the twenty-first century alone, however, is a considerable exaggeration of modernity’s on-going agenda. A “bewildering complexity” has always marked modernity’s ability to fuse the pressures of modernization together with the various crises of urban identity that serve as sites of creative ferment. While the contribution of printing over the past half-millennium to this constant enfolding of the social imaginary is never left off the list of primary factors in modernity’s incessant transformations, the place of subsequent privilege is always given to the debate about authorship’s role in literary projects. In contrast, critics have tended to give publishers and publishing only the briefest of acknowledgements, and the result is that the metaphors of reciprocity that underlie the staggering complexity of post-Renaissance social life lack the very links that make any comparison of readers and writers a feasible possibility in the first place. It is only through the study of the labor of cultural production, and in particular the work done by publishers, that one can drop the “ism” that fragments our modern understanding of the hierarchies of imagination in literary history. If culture is conversation, as Gabriel Zaid has argued in So Many Books, then the conversation requires that publishers be credited as being more than mere microphones that allow us to hear what writers and their critics are saying. In this talk, I want to examine the unfamiliar intervention that any publisher conscious of the distance between margin and cultural center aspires to be given credit for, despite the critical privileging of writers as the originary vortex of creative energy. In looking at the West Coast of the United States as a region in which publishers played the central role in challenging the distances between the marginal and cultural centers elsewhere, I will give special attention to the anthology as the vehicle by which social legitimacy acquires more than ephemeral value.

Les éditeurs d’anthologies littéraires de la côte ouest-américaine : agents plastiques d’une hyper-modernité aux frontières visionnaires

Dans son ouvrage A Common Strangeness, Jacob Edmonds resitue son analyse de l’évolution sociale de la poésie dans le contexte de la « complexité stupéfiante du moment présent ». Toutefois, attribuer ce degré de turbulence au XXIe siècle uniquement, est une considérable distorsion de la dynamique et de l’orientation du programme de la modernité. Une « complexité stupéfiante » a, depuis ses origines, marqué la modernité et sa tendance à mêler les différentes tensions de la modernisation aux diverses crises de l’identité urbaine qui servent de sites aux ferments créatifs. Bien que la contribution de l’imprimerie à cette continuelle intégration de l’imaginaire social, au cours de la deuxième moitié du deuxième millénaire, n’ait jamais véritablement été considérée comme étrangère aux incessantes transformations qui affectent la modernité, la place des privilèges qui en dérivent est généralement fondue dans le débat académique sur le propos de la paternité littéraire. En contraste frappant, certains critiques littéraires n’offrent aux éditeurs et à l’édition que la plus infime des reconnaissances. En conséquence, la métaphore de la réciprocité qui sous-tend la sidérante complexité de la sphère sociale post-renaissance passe sous silence les liens-mêmes qui rendent pertinente toute comparaison entre lecteurs et auteurs. Seules les recherches sur les modalités de la production culturelle, en particulier le travail opéré par les éditeurs, peuvent nous aider à déconstruire les hiérarchies imaginaires qui cloisonnent notre approche moderne de l’histoire littéraire. Si « culture » équivaut à « conversation », selon Gabriel Zaid, alors cette conversation demande des éditeurs qu’ils soient crédités à leur juste valeur, c’est-à-dire, bien plus que de simples microphones permettant aux lecteurs et aux écrivains d’entendre ce qu’ils racontent. Au travers cette présentation, j’aimerais examiner cette intervention que tout éditeur, conscient de la distance qui sépare le centre culturel de ses frontières, met en œuvre ; cette intervention mérite d’être mise en avant, et ce malgré les tendances qu’ont les critiques littéraires à élever les auteurs au rôle de vortex originel de l’acte de création. En se concentrant sur la côte ouest-américaine comme une région au sein de laquelle les éditeurs ont eu un rôle crucial dans la rébellion contre cette distance entre les centres culturels et leurs frontières, j’aimerais placer une attention toute particulière sur l’anthologie en tant que véhicule de l’expansion de la légitimité sociale. (Trad. Olivier Bochettaz).

 

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Claudio Cledson NOVAES (Universidade Estadual de Feira de Santana /CAPES/FAPESB/Bahia-Brésil)

Modernidades brasileiras: cartografia crítica do modernismo e do cinema novo em Mário de Andrade e Glauber Rocha

Modernités brésiliennes : modernisme littéraire et nouveau cinéma chez Mário de Andrade et Glauber Rocha

Lors de cette conférence, nous parlerons de deux mouvements artistiques qui ont eu lieu au siècle dernier au Brésil. En tant que principaux protagonistes des aventures et des euphories responsables de la transformation de la réalité au Brésil dans leurs périodes historiques respectives, ces deux mouvements ont aidé à détruire les dogmes sur lesquels reposait l’identité nationale à l’époque. En effet, le modernisme littéraire des années 1920-30 et le nouveau cinéma des années 1950-60 enregistrent deux moments clefs de l’histoire économique et politique du Brésil : le premier reflète, à travers la littérature, le début de l’urbanisation des années 1920 ; et le second révèle, à travers le cinéma, un moment de consolidation de la société industrielle dans le pays. Mais il s’agit de deux moments de joie intellectuelle et artistique qui, contradictoirement, ont terminé de manière tragique : par les coups d’États de 1937 et de 1964. Notre objectif est justement d’étudier les relations entre ces mouvements culturels et ces événements politiques. Pour ce faire, nous analyserons les discours de la modernisation chez leurs leaders intellectuels respectifs, Mário de Andrade et Glauber Rocha, et, à travers eux, les projets de modernisation culturelle au Brésil lors des ces deux étapes du modernisme.

 

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Isabelle POUZET (Université Rennes 2)

La revue stridentiste Irradiador (1923) de Manuel Maples Arce et de Fermín Revueltas

Dans cette communication, nous nous proposons de revenir sur le mouvement d’avant-garde mexicain créé par Manuel Maples Arce au début des années 1920, le stridentisme, à travers l’étude de la revue au titre hautement significatif, Irradiador, publiée en 1923. Très influencé par le futurisme de l’Italien Filippo Tommaso Marinetti, dont le manifeste a paru pour la première fois au Mexique en 1909 ainsi que par le créationnisme de Vicente Huidobro qui s’est fait connaître dans la célèbre revue mexicaine Revista de Revistas en 1919, Manuel Maples Arce a créé Actual, sa propre revue stridentiste en 1921. Son mouvement qui n’a duré que quelques années a été également marqué par la parution de la revue Irradiador fondée en collaboration avec le peintre muraliste mexicain Fermín Revueltas en 1923. Pendant tout le XXe siècle, cette revue était introuvable et tous ceux qui, comme Mario Luis Schneider, s’étaient intéressés au stridentisme en avaient déploré la perte. Or, il y a quelques années, le chercheur mexicain Evodio Escalante a découvert un exemplaire grâce auquel il a publié en 2012 à l’Université Autonome Métropolitaine de Mexico une édition fac-similée qui s’intitule Irradiador: Revista de vanguardia. Cette récente édition de Irradiador va nous donner l’occasion de revenir sur le mouvement stridentiste à travers l’analyse des trois numéros qui la composent (septembre, octobre et novembre 1923). À la lumière des productions de ses collaborateurs qui sont non seulement des écrivains ‒ Jorge Luis Borges, Germán List Arzubide, José Juan Tablada ‒ mais aussi des peintres ‒ Diego Rivera, Fermín Revueltas, Jean Charlot ‒ nous nous efforcerons d’interroger le rapport à la modernité de cette revue qui, dès la page de titre, se présente comme le « projecteur international d’une nouvelle esthétique ».

 

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Marcos RICO DOMINGUEZ (CRIMIC, Université Paris-Sorbonne)

Néobaroque et modernité dans l’œuvre d’Octavio Paz

Ma communication porte sur le mouvement de théorisation et revendication du baroque durant le XXe siècle (Benjamin, Lezama Lima, Paz, Sarduy, Deleuze) qui a mené à un retour du baroque, à un baroque moderne ou néobaroque. Cette réflexion a contribué non seulement à comprendre le phénomène mais aussi à le définir. Le baroque connaît une nouvelle fortune, que l’on peut retracer dans toutes ces contributions théoriques qui, au fil des ans, ont tenté d’établir des relations entre le baroque et la modernité et, plus récemment, d’explorer les affinités possibles entre le retour du baroque et la condition postmoderne. Ma communication traitera plus spécifiquement de la réflexion théorique d’Octavio Paz sur les relations entre la modernité et le baroque, à partir de ses écrits sur la poétesse mexicaine du XVIIe siècle Sor Juana (Sor Juana Inès de la Cruz ou les pièges de la foi). Elle soulignera notamment l’utilisation commune de l’analogie et le goût de la métaphore dans un monde en constante mutation (L’Arc et la lyre) ainsi qu’une vision de la modernité comme « reconstitution de la tradition » à travers un « rituel de réconciliation » (Point de convergence : Du romantisme à l’avant-garde). En outre, la vision de Paz d’un « baroque excrémentiel » (Conjonctions et disjonctions) est celle d’un style où le mot a conservé un sentiment de vitalité de la langue par rapport aux matériaux « escatológicos » (scatologiques et eschatologiques). Pour Paz, le style baroque synthétise une relation dialogique dans lequel le catholicisme conserve les affluents du paganisme, sa capacité à absorber la constellation d’une pluralité sociale discursive. À cet égard, je voudrais mettre en regard cette vision du baroque avec le « baroque omnivore » de José Lezama Lima et le néobaroque « de la subversion, moquerie, dépense, parodie » de Severo Sarduy. On conclura avec quelques exemples tirés du Singe grammairien de Paz, poème en prose qui constitue une récapitulation des grands thèmes essentiels de son œuvre poétique, vaste réflexion sur le langage – en somme, une constellation poétique néobaroque.

 

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Étienne SAUTHIER (Universidade Estadual de Campinas)

« Proust ne nous rajeunit pas ! » : la réception brésilienne de Marcel Proust, d’une littérature importée et décadente au paradigme de la modernité littéraire (1920-1937)

« Proust ne nous rajeunit pas ! », c’est par ces quelques mots que commence l’article consacré à Marcel Proust par José Pereira da Graça Aranha, intellectuel, diplomate et écrivain brésilien, promoteur du mouvement moderniste de 1922, dans la revue Pan, de Rio de Janeiro, en 1924. Ce qui existe alors d’À la Recherche du Temps Perdu y est décrit comme le produit du vieil esprit français, qui, s’il est renforcé d’un peu d’humour anglais, n’en est pas moins le produit d’une tradition culturelle que le critique juge décadente. L’année précédente, un article de la revue America Brasileira, un des premiers articles critiques sur l’auteur, mettait en évidence la modernité de l’écrivain espagnol Ramón Gomes de la Serna en comparaison de Marcel Proust, vu comme nettement moins novateur, enfin, une des premières occurrences de l’auteur au Brésil, au détour d’un article que Sergio Buarque de Hollanda écrit sur les futuristes de São Paulo, en 1921, voit celui-ci décrire Proust en « ringard » (« Passadista »). Dans les années 1930, cependant, on remarque, en observant ce que dit textuellement la presse de l’auteur comme l’usage qui est fait de l’auteur, même lorsque celui-ci ne fait plus l’actualité, que celui-ci a acquis au Brésil un rôle de paradigme en matière de modernité littéraire, auquel bon nombre des auteurs de la modernité étrangère comme brésilienne sont comparés. Il importera de voir de quelle manière, entre son arrivée au Brésil (1920) et son entrée, en langue française, au programme d’entrée de certaines universités brésiliennes, à travers la circulation de la critique littéraire française et l’émergence d’une critique brésilienne et de lectures identitaires nationales sur celui-ci, Proust devient une référence en matière de modernité. À travers cette modernité qui se redéfinit en regard des identités brésiliennes en cours de construction, c’est tout le rapport, entre les années 1920 et 1930, à un interlocuteur culturel fantôme que représente la France qui se joue, ainsi que la question de l’existence, possible ou non, d’une définition de la modernité à même de dépasser un contexte et un espace de réception. On observera, de la même manière, sur la période, que Proust acquiert un statut de modèle en matière de modernité à mesure qu’il se sépare de la connotation à la France et à l’importation littéraire qu’il avait à son arrivée dans le pays.

 

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Erica SEGRE(Trinity College, Cambridge, RU)

Modernismo, archivo y estética carcelaria: encuadres contestarios y estética discrepante desde el discurso fotográfico en México

La fotografía se incorpora a las prácticas de vanguardia como sustento conceptual de una plasticidad multimediática de incierta raigambre. Manifiesta su insostenible levedad ante el lapidario discurso nacionalista oficial y sitúa sin proponérselo una zona de inconformidad creativa en la cual la indefinición se torna arma de rescate ante una cotidianidad multiforme escindida por las bifurcaciones de temporalidades sociopolíticas contrapuestas y en combate. La impureza fotográfica, su manera involutiva de conjugar tiempo y espacio, es un componente de transcendente relevancia para el concepto de ruptura generacional y para la estrategia de apropiación y reconfiguración vernácula del modernismo que implica también, desde luego, la forma de recuperación y acumulación documental, la retroalimentación archivista: el desajuste cronológico que acompaña la evidencia de una visualidad segmentada, y ese ajustarse a un visor delimitado por un andamiaje invisible, productor de imágenes señadas por el lapso, la duración y el corte, hizo que lo fotográfico se volviera un meta-discurso desbordante cuya reflexividad y autoconstrucción llegarían a abarcar el sentido de la contemporaneidad en las artes visuales. La poética del encuadre se convierte no sólo en un reto compositivo sino en un entrecruzarse de espacios escépticos –gestando convergencias inestables y multidimensionales– espacios no sólo simbólicos o plásticos sino perceptuales que interrogaban la cooptación de lo imaginario por metodologías desautorizantes y que, al ahondar en lo menos perceptible, ofreciendo vistas discrepantes y hasta auto-inmoladoras, materializaban el manejo de la visibilidad y la regimentación del conocimiento social. El encuadre fotográfico entendido en su dimensión espacial nos permite acceder a prácticas que definían su ser distinto a través de desplazamientos propuestos por lo fronterizo y lo liminal en las artes visuales y que se proyectaban en los intersticios equívocos del régimen identitario de un estado monolítico (bajo el PRI), tratando de desviar y quizás hasta disgregar la mirada colectiva seducida por una complacencia populista en los medios, una retórica de correspondencias ilusorias y cambios tecnológicos palpables. Si por un tiempo lo fotográfico, suplantando la incomensurable realidad visual, produce el efecto de una modernidad compenetrada con la vivencia autóctona, sus aportaciones técnicas radicalizan el cuestionamiento de la imagología cultural imperante y propician una desarticulación del modernismo que así expone su forma de plasmarse desde una fundacional incertidumbre de medios y un afán de ser siempre inadecuado, insuficientemente preso de su utópica otredad plástica. Esta inserción subraya la fugacidad de la toma fotográfica en un arriesgado juego ontológico encarado al supuesto dinamismo histórico posrevolucionario, y constituye una alucinada retrovisión que anticipa el encuadre y no el sujeto. Plantea un despliegue intervenido que al apuntar se sabe mirada cómplice e inducida, caja de espejismos introvertidos. Conlleva una creciente indisciplina que culminará en formas plurívocas de hacer fotoimágenes que se mueven entre la auto-gestión independentista y la más austera y castigada impersonalidad. La visión descreída y discrepante de una fotografía demoledora de imágenes, dudosa de la rescatable veracidad de su propio enganche, mina las premisas de su afán de auto/conocimiento y así, en su controlado descontrol, permite vislumbrar la estética carcelaria de un tachado modernismo en las artes, desvirtuado en su potencialidad bajo señas de una identidad interdicta.

La conferencia explorará cómo la estética carcelaria se impone como una solución figurativa pacificadora; y cómo un estilo supuestamente divulgador de una vitalidad cultural incandescente en las artes se esquematiza y atrae gestiones fotográficas dirigidas a revelar el substrato socio-cultural absorto por un régimen de poder que sigue siendo implícito en la prácticas representacionales enfocadas en la subalternidad. Así, la mirada interdicta de la fotografía y del foto-reportaje experimental, proporciona una oportunidad para dar a conocer la impunidad no sólo a nivel político sino también con respecto al quehacer artístico basado en la mitología de un modernismo triunfante y sui generis. Además, al repensar las variadas obras de los fotógrafos contagiados por esta vertiente reflexiva atormentada por el encuadre y el poder coercitivo profundo, nuestra lectura proporcionará una hermenéutica de los sistemas totalitarios de información a través del estudio de paradigmas carcelarios (no siempre explícitamente contextualizados) recalcados a nivel de marco, perspectiva, red e imagen. Se adoptará una ambientación más amplia del concepto de sistema carcelario que según la mordaz película de Felipe Cazals, El apando (1975), “no regenera sino degenera”[18]. Exponentes de una postura discrepante como Manuel Álvarez Bravo, Nacho López, Héctor García, Rodrigo Moya, Kati Horna, Víctor Flores Olea, Pedro Meyer, Graciela Iturbide y Pablo Ortiz Monasterio, todos comprometidos con la indisciplinaridad y con el cuestionamiento de la flexión archivista tras la huella fotográfica; preocupados por el consumo de la imagen como documento coleccionable (y sobornable); fascinados por su moldeable memoria y su modernismo estético de autoengaño. La fragmentación formal y el interés por la velocidad características de un modernismo visto en su aspecto convencional, se transforman metafotográficamente en un sistema de invisibilización. Esta disgregación de las apariencias estéticas, de los soportes constitutivos de la imagen, ofrece un testimonio imprescindible para entender que en México habría que repensar la modernidad en las artes desde la problemática del espacio descentrado de la aportación fotográfica como inserción existencial y transgenérica y no sólo perceptual, tecnológica o iconográfica. La celeridad de la toma fotográfica se deshace conceptualmente ante su propia construcción contemplativa que deshoja lentamente las capas sobrepuestas de aquel revoltijo de andamios ligados a un modernismo pictórico performativo y censurado.

Modernisme, archives et esthétique carcérale : cadrages contestataires et esthétique dissidente dans le discours photographique mexicain

La photographie s’intègre aux pratiques de l’avant-garde comme l’aliment conceptuel d’une plasticité multimédia aux racines incertaines. Face au lapidaire discours officiel nationaliste, elle manifeste sa fragile légèreté et instaure sans le vouloir une zone de désaccord créatif. Son caractère indéfini devient l’instrument de la récupération d’un quotidien multiple, zébré par les bifurcations de temporalités socio-politiques qui se confrontent et s’affrontent. L’impureté photographique, cette manière involutive de conjuguer espace et temps, permet de mettre en évidence une rupture générationnelle, et notamment la stratégie d’appropriation et de reconfiguration vernaculaire en quoi consiste, au Mexique, le modernisme, lequel implique aussi, bien sûr, la récupération et l’accumulation de documents, la rétro-alimentation de l’archive. Le déphasage chronologique qui accompagne l’évidence d’une visualité segmentée, et cette manière de s’ajuster à un viseur délimité par un artéfact invisible, producteur d’images marquées par le laps, la durée et la coupe, a fait de l’acte photographique un métadiscours débordant, dont la réflexivité et l’auto-construction en sont venues à englober le sens de la contemporanéité dans les arts visuels. La poétique du cadrage n’est pas seulement un défi de composition mais aussi le lieu où – au milieu de convergences instables et multidimensionnelles – s’entrecroisent des espaces sceptiques, non seulement symboliques ou plastiques mais aussi perceptifs. La cooptation de l’imaginaire par des méthodologies paternalistes est, de ce fait, mise en question. En approfondissant ce qui est le moins à la vue, en offrant des points de vue divergents jusqu’au sacrifice de soi, ces espaces n’en rendaient que plus patents la manipulation du visible et l’enrégimentement du savoir sur la société. Le cadrage photographique, entendu dans sa dimension spatiale, nous permet d’accéder à des pratiques qui fondaient leur différence sur une série de déplacements induits par ce qui, dans les arts visuels, se trouve à la frontière et sur le seuil, dans les interstices équivoques du régime identitaire d’un État monolithique (sous le Parti Révolutionnaire Institutionnel), essayant ainsi de dévier et peut-être même de désagréger un regard collectif séduit par la complaisance populiste dans les médias, par une rhétorique de correspondances illusoires et de changements technologiques palpables. Si dans un premier temps, le photographique, supplantant la réalité visuelle incommensurable, produit l’effet d’une modernité qui a assimilé le vécu autochtone, dans un second temps ses apports techniques lui permettent de radicaliser la mise en question de l’imagologie culturelle dominante, de désarticuler le modernisme. Celui-ci prend alors la forme d’une fondamentale incertitude de moyens, d’une quête d’être toujours inadéquate, insuffisamment prisonnière de son utopique altérité plastique. Fugacité de la prise de vue ; jeu ontologique risqué face à ce qui est supposé être le dynamisme historique post-révolutionnaire ; rétro-vision hallucinatoire qui est l’œuvre du cadrage, non du sujet photographiant ; déploiement truqué du regard qui, en visant, se sait complice, manipulé – boîte de mirages introvertis. Cette indiscipline croissante culminera dans des manières plurivoques de créer des photo-images, entre l’auto-gestion indépendante et l’impersonnalité la plus austère, la plus contrainte. La vision dissidente, incrédule, de cette photographie iconoclaste, doutant de la possibilité de sauver la véracité de sa propre accroche du réel, mine les prémisses de sa quête de connaissance et d’auto-connaissance. Mais ce dérapage contrôlé permet d’entrevoir l’esthétique carcérale d’un modernisme pour ainsi dire biffé, privé de ses potentialités, car sous le signe d’une identité interdite.

Cette conférence explorera comment l’esthétique carcérale s’impose comme une solution figurative pacificatrice ; comment un style supposément divulgateur d’une vitalité culturelle incandescente dans les arts se schématise, et par là même suscite des démarches  photographiques visant à révéler le substrat socio-culturel phagocyté par un régime de pouvoir qui continue d’être implicite dans les pratiques de représentation source de  subalternité. Le regard interdit de la photographie et du photoreportage expérimental offre donc une occasion de dévoiler l’impunité, non seulement au niveau politique mais aussi en ce qui concerne une tâche artistique basée sur la mythologie d’un modernisme triomphant et sui generis. En réexaminant les œuvres variées des photographes gagnés par ce courant réflexif que tourmentent à la fois le cadrage et le pouvoir coercitif profond, notre lecture proposera une herméneutique des systèmes totalitaires d’information à travers l’étude de certains paradigmes carcéraux (pas toujours contextualisés explicitement), au niveau du cadre, de la perspective, du réseau et de l’image. On adoptera une acception large du concept de système carcéral qui, selon le film mordant de Felipe Cazals, El apando [Le Mitard] (1975), « ne régénère pas mais dégénère » [19]. Parmi les acteurs de cette posture dissidente, on peut citer Manuel Álvarez Bravo, Nacho López, Héctor García, Rodrigo Moya, Kati Horna, Víctor Flores Olea, Pedro Meyer, Graciela Iturbide et Pablo Ortiz Monasterio, tous engagés dans  l’indisciplinarité et la mise en question de la récupération archivistique de la trace photographique, préoccupés par la consommation de l’image comme document collectionnable (et subornable), fascinés par sa mémoire malléable et son modernisme esthétique d’auto-illusion. La fragmentation formelle et l’intérêt pour la vitesse, caractéristiques d’un modernisme vu dans son aspect conventionnel, se transforment méta-photographiquement en un système d’invisibilisation. Cette désagrégation des apparences, des supports constitutifs de l’image, nous offre un témoignage irremplaçable pour comprendre qu’au Mexique, il faudrait repenser la modernité dans les arts depuis la problématique de l’espace décentré : celle qu’apporte la photographie comme insertion existentielle et trans-générique et non seulement perceptive, technologique ou iconographique. La célérité de la prise de vue photographique se défait conceptuellement devant sa propre construction contemplative, qui peu à peu défeuille les couches superposées de cet enchevêtrement d’échafaudages liés à un modernisme pictural performatif et censuré.

 

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Claudie SERVIAN (Université Stendhal–Grenoble 3)

Collocation Amérique et modernité(s) dans la danse états-unienne de 1910 à 1970

La notion de modernité est fortement connotée et instable en danse américaine : elle renvoie à des conceptions diverses et variées, réparties en une multitude de projets et de formes. Les modernités de la danse étatsunienne se déclinent de plusieurs façons donnant à la notion même de modernité un aspect protéiforme très complexe. Même si les chorégraphes américains rejettent vivement cette terminologie (Martha Graham lui préfère l’expression « être de son temps »), un dénominateur commun a permis aux historiens de la danse d’utiliser l’expression « danse moderne » pour évoquer le travail de certains chorégraphes obsédés, dès le début du XXe siècle, par l’idée de renouvellement et de nouveauté. La similarité des conceptions des chorégraphes modernes constitue même un académisme de la modernité en danse. Pour ces tenants du modernisme, la modernité se trouve à la fois dans le contenu et la forme. (1) L’ambiguïté d’une notion: la modernité renvoie pour certains à la fois à une recherche des origines et à la rupture avec la tradition. Les chorégraphes étatsuniens ne sont pas enfermés dans une explication de l’opposition des genres, la danse classique incarnant la tradition, la danse moderne incarnant l’avenir, mais ils se détournent de l’académisme en s’inspirant de l’Antiquité, de la mythologie interprétée à travers la conception psychanalytique jungienne. Le danseur moderne redécouvre en lui le primitif, libre de tout conditionnement culturel. Il cherche à reconquérir les mouvements naturels contrastant avec l’environnement mécanisé en plein développement. (2)Une danse référentielle : l’évolution de la danse américaine des années 1910 à 1970 enregistre les effets d’un contexte, tout en y contribuant. Des facteurs affectent la matière des expressions dansées à un moment historique donné et la manière dont cette expression individuelle et singulière exerce une influence plus générale. Nourris par le développement de la vie urbaine et des technologies, les fantasmes de l’Ailleurs suscitent la naissance de danses exotisantes. Les expressions dansées qui naissent jusqu’aux années soixante traduisent des réactions face aux transformations de l’environnement. Elles repensent le monde contemporain dans ce qu’il a de déstructurant. Les chorégraphes traitent de sujets contemporains : créateurs référentialistes, ils prennent la société américaine, l’histoire américaine ou l’histoire contemporaine comme référents. Créateurs engagés : beaucoup militent, pendant la période de la Dépression, avec pour objectif le désir d’une réalisation effective des promesses passées des Pères Fondateurs, pendant que d’autres prennent leur distance par rapport à l’engagement militant et se référent aux archétypes structurant les récits mythiques de l’humanité pour parler un langage universel. Alors que certains élaborent des danses narratives en prise directe avec l’actualité contemporaine, d’autres explorent une expression abstraite à valeur universaliste. Certains chorégraphes expriment le chaos par l’abstraction et rejettent la notion de figuration au profit d’un art où les référentiels sont délaissés. L’œuvre devient sui-référentielle, elle révèle sa structure interne, mettant à nu les artifices qui créent l’illusion. La modernité en danse étatsunienne se pose comme m



[1] Vladimir Petrovich Potemkin (dir.), Histoire de la diplomatie, 1919-1939, Librairie de Médicis, 1947, p. 30.

[2] Rapport préliminaire de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1965, p. 5.

[3] Lucia Ferretti, « La Révolution Tranquille », L’Action nationale, vol. 89, n°10 (décembre 1999), p. 59-91; Joël Belliveau et Frédéric Boily, « Deux révolution tranquilles ? Transformations politiques et sociales au Québec et au Nouveau-Brunswick (1960-1967) », Recherches sociographiques, vol. 46, n°1 (2005), p. 11-34.

[4] Gilles Duguay, Le triangle Québec-Ottawa-Paris. Récit d’un ancien ambassadeur canadien, Québec, Septentrion, 2010, p. 239 ; S. et P. Guillaume, Paris, Québec, Ottawa: Un ménage à trois, Paris, Entente, 1987.

[5] Robert Comeau (dir.), Jean Lesage et l’éveil d’une nation: Les débuts de la Révolution tranquille, Sillery, PUQ, 1989.

[6] Robert Comeau, Michel Lévesque et Yves Bélanger (dir.), Daniel Johnson: Rêve d’égalité et projet d’indépendance, Sillery, PUQ, 1991.

[7] Michael Levenson, Modernism, New Haven, Yale University Press, 2011, p. 247.

[8] Natalie Clifford Barney, A Perilous Advantage: The Best of Natalie Clifford Barney, New Victoria Publishers, 1992, p. 19.

[9] Pierre Bourdieu, « L’institutionnalisation de l’anomie », Cahiers du MNAM, n°19-20, juin 1987, Moderne modernité modernisme, p. 6.

[10] Henri Meschonnic, 1988, Modernité Modernité , Paris, Editions Verdier, p. 27

[11] Ibid., p. 24.

[12] Dans ses monographies : Marta Traba, La pintura nueva en Latinoamérica, Bogotá, Ediciones Librería central, 1961, et Dos décadas vulnerables en las artes plásticas latinoamericanas, 1950-1970 [1973], Buenos Aires, Siglo XXI Editores, 2005.

[13] Celia Marshik’s British Modernism and Censorship and James Wood’s The Irresponsible Self: On Laughter and the Novel are illustrative here.

[14] Sara Crangle’s Prosaic Desires: Modernist Knowledge, Boredom, Laughter, and Anticipation is a useful example of this trend.

[15] Laura Wainwright’s “‘Doesn’t that make you laugh?’: Modernist Comedy in Jean Rhys’s After Leaving Mr Mackenzie and Good Morning, Midnight” successfully argues that Rhys uses dark humor as a means of “foregrounding the wry joke inherent in modernist art” (48).

[16] Jean Baudrillard, Alain Brun, Jacinto Lageira, « Modernité », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 3 avril 2015. http://www.universalis.fr/encyclopedie/modernite

[17] Sur la querelle nationalistes/exotiques, voir Marie-Hélène Grivel, « Être “exotique” dans l’entre-deux-guerres : l’exemple de Robert de Roquebrune », Les Cahiers du GRELCEF, n° 6, mai 2014, p. 213-234.

[18] La película visualiza la odiada Penitenciaría de Lecumberri inaugurada en la capital durante la dictadura de Porfirio Díaz, un espacio arquitectónico basado en el panóptico de Bentham al que también estuvieron destinados presos políticos en los años de la guerra sucia. Desde 1976 el edificio se convirtió en sede del Archivo General de la Nación.

[19] Le film donne à voir le centre pénitentiaire honni de Lecumberri, inauguré dans la capitale pendant la dictature de Porfirio Díaz, un espace architectural basé sur le panoptique de Bentham, où séjournèrent, entre autres, des prisonniers politiques des années de la guerre sale [fin des années 1960-années 1970]. Depuis 1976, le bâtiment abrite les Archives générale de la Nation.

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